Me Paul-henry DELARUE

Hubert Delarue, Ancien Bâtonnier

Hubert Delarue,
Ancien Bâtonnier

Aujourd’hui, force est de constater que la Justice ordinaire est largement supplantée par la Justice médiatique.

 

On devrait même dire que la Justice ordinaire est à la traîne de la Justice médiatique.

 

Quelles sont les principales caractéristiques de celle-ci ?

 

  • Les « J.J » (Juges Journalistes), qui la composent ont le plus souvent une connaissance approximative du fonctionnement de l’institution, à laquelle on ajoutera une méconnaissance assez fréquente tant des dispositions du Code Pénal, que du Code de Procédure Pénale.

 

Cela transparaît fréquemment de leurs commentaires.

 

  • Les « J.J. » sont encore totalement affranchis du secret de l’instruction bien sûr, mais également des enquêtes conduites en amont de celle-ci, et que la Police et la Gendarmerie conduisent sous l’autorité des Parquets, normalement dans le plus grand secret.

 

Le « secret des sources » qui les protège permet de violer en toute impunité et en toute bonne foi l’ensemble des règles applicables à tous les autres acteurs de Justice ; j’entends par là ceux qui, comme les avocats ne sont tenus qu’au secret professionnel, mais également les autres acteurs judiciaires, qui sont tenus au secret de l’instruction.

 

  • Les « J.J. » sont alimentés en permanence par leurs indicateurs judiciaires, lesquels au bénéfice de leurs intérêts, et des intérêts bien compris de leurs clients, ou encore de leurs convictions partisanes, distillent « les bonnes feuilles », des procédures qu’ils conduisent, ou auxquelles ils participent (enquêteurs, personnels de Justice, Magistrats, Avocats…).

 

  • Les « J.J » ignorent totalement l’existence de la présomption d’innocence, qu’ils bafouent en permanence en toute bonne conscience, ou s’en affranchissent, sans la moindre vergogne.

 

Certes, ils ne sont pas les seuls, puisque leurs interlocuteurs ou leurs invités, sont trop souvent dans le même registre.

 

Il est vrai qu’en ce qui concerne « la présomption d’innocence » notre pays est particulièrement mal protégé. C’est à un véritable « parcours du combattant » qu’il faut se livrer pour faire reconnaître et sanctionner sa violation !

 

Avant tout procès, avant tout jugement, ils condamnent sans le moindre état d’âme, celles et ceux que, bien souvent, la Justice ordinaire, plusieurs mois, ou plusieurs années plus tard, viendra finalement innocenter…dans l’indifférence médiatique générale.

 

Ainsi, une « mise en examen » est le signe indiscutable d’une culpabilité rabâchée, alors qu’une « Ordonnance de non-lieu » ne suscitera qu’un bref commentaire, d’autant plus bref qu’il viendra bien tardivement démentir la condamnation médiatique alors prononcée.

 

  • Condamnées sans appel, clouées au pilori par des réquisitoires en boucle, marquées du sceau de l’ignorance judiciaire, ou/et des approximations factuelles, les victimes de ces procès sommaires, pour la plupart, ne s’en relèveront pas.

 

  • La Justice ordinaire, beaucoup trop lente, parfois trop prudente, encombrée du respect des principes que tous les autres ont « oubliés », ne peut résister à son clone médiatique.

 

Elle n’en a ni les moyens, ni bien souvent la volonté, peut-être même le courage.

 

La Justice médiatique a pris le pas sur la Justice ordinaire. Elle en est même devenue la caricature obscène.

 

Qui s’en plaindra ? C’est une Justice en direct, en larmes, en couleur, rapide, approximative, mais définitive, qui répond sans doute au voyeurisme simplificateur et gourmand, d’une société … médiatique !

 

 

Hubert DELARUE

Avocat à la Cour